Yapama Dolo – volontaire francophone du Mali à Sofia
J’ai rencontré la volontaire internationale de la Francophonie Yapama Dolo sur son lieu de travail au CREFECO (Centre régional francophone pour l’Europe centrale et orientale), situé 1, rue Léopold Sédar Sengor à Sofia. Je l’ai retrouvée dans son bureau en compagnie de son compatriote malien Mohamed Soutoura, étudiant à l’ESFAM (Ecole supérieure de la Francophonie pour l’administration et le ménagement) qui se trouve dans le même bâtiment. Je n’ai pas manqué de les photorgaphier ensemble. Tous les deux parlent un français impeccable. La Francophonie était le file rouge de mon entretien avec Yapama, mais je lui ai d’abord demandé de dire quelques mots d’elle-même – lieu de naissance, famille, éducation, profession. Elle m’a agréablement surprise en me saluant au debut de sa réponse en trois langues: le bulgare, le français et le bambara – sa langue maternelle:
Zdravei ! Bonjour ! aw nisôgôma !
Elevée dans une famille de plus de soixante membres, je suis l’heureuse fille de trois hommes. Oui, j’ai trois pères, Amatégué Ogobara Dolo, mon papa de Bamako ; Amaïgueré Ogobara Dolo, mon papa de Ségou, et Aboubacar Ogobara Dolo, mon papa de Sangha. A l’état civil, je suis Yapama dite Bintou Dolo, née à Sangha dans le cercle de Bandiagara, région de Mopti. Ma scolarisation a débuté dans mon village natal, à l’école primaire de Sangha. Après le DEF (Diplôme d’étude fondamentale), je suis partie à Ségou pour les études secondaires. Il n’y avait pas d’universités dans les régions à l’époque où j’ai obtenu mon Bac, alors je quittai Ségou pour aller poursuivre mes études supérieures à Bamako. J’ai concomitamment fréquenté deux universités ; Droit des affaires à la Faculté des sciences juridiques et politiques de Bamako et Communication d’entreprise à HETEC Mali. Ces deux disciplines étaient complémentaires pour le plan de carrière que je m’esquissais : devenir une journaliste internationale.
Vous parlez de vos trois pères, mais qui sont-ils? Quelles sont les personnes que vous appelez pères au Mali, car évidemment il n’y a qu’un seul père biologique ?
Beaucoup d’ethnies au Mali, y compris la mienne, défendent à l’enfant de préciser son père ou sa mère biologique en public, car l’éducation d’un enfant n’incombe pas seulement aux parents biologiques, c’est plutôt une affaire de famille ; surtout celle de la famille paternelle. Parmi ces trois pères figure mon père biologique, mais j’ai quitté mes parents biologiques depuis l’âge de 14 ans pour continuer mes études chez les frères de mon père. J’ai fait le lycée chez l’un à Ségou (4ème région du Mali) et les universités chez l’autre à Bamako. Mes deux tontons se sont tour à tour occupés de moi, en me soutenant moralement et financièrement dans la concrétisation de mes ambitions. Ils m’ont donné leur amour et m’ont protégée au même titre que leurs enfants biologiques.
Je ne voudrais pas vous attrister, mais vous ne parlez pas de votre mère. Quel est le rôle des mères au Mali ?
Comme je vous l’ai expliqué précédemment, parler de ses parents biologiques est très délicat, surtout pour une fille d’une grande famille, comme la nôtre. Un jour ma mère m’a littéralement dit : « je ne suis pas ta mère, tes mamans sont à Ségou et à Bamako». J’avais compris le message. Cela ne voulait pas dire qu’elle déclinait ses responsabilités de mère, mais une manière forte de me dire qu’il n’y a pas de différence entre elle et les autres femmes qui m’élevaient. J’aime ma mère, elle est mon modèle. Elle est une femme joviale qui se fâche rarement. Elle m’a éduquée de la plus belle manière en m’inculquant des valeurs morales et culturelles.
Je vous prie de présenter en bref votre pays, le Mali, et votre lieu de naissance ?
Le Mali est un vaste pays de 1 241 238 km2, seul le Niger le dépasse en superficie en Afrique de l’Ouest. Encerclé par sept pays, à savoir la Mauritanie, l’Algérie, le Niger, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Sénégal, il a pour capitale Bamako, la cité des trois caïmans. 18 millions d’habitants vivent en parfaite harmonie dans ses huit régions ; Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal. Les bonnes mœurs comme le sinagouya (plaisanterie) facilitent jusqu’aujourd’hui la cohésion sociale dans le quotidien du peuple malien, fidèle à ses coutumes et traditions. Le sinagouya est une pratique qui autorise des membres d’une même famille (tels que des cousins germains) ou des membres de certaines ethnies (Dogon vs Bozo) à se moquer ou s’insulter entre elles sans conséquence.
Chaque région est fortement peuplée par un groupe ethnique spécifique. On reconnait aisément une ethnie à travers sa région. Mopti, ma région d’origine, est majoritairement dominée par les Dogons, et les Peuls.
Les Dogons et les Peuls sont des ethnies, n’est-ce pas ?
Oui, les Bambaras, les Bobos, les Bozos, les Dogons, les Khassonkés, les Malinkés, les Miniankas, les Peuls, les Sénoufos, les Soninkés (ou Sarakolés), les Sonrhaïs, les Touaregs, les Toucouleurs composent la population malienne. Toutes ces ethnies ont leur langue ou dialectes propres à elles.
La langue bambara qui est notre langue nationale est parlée à Bamako et presque dans toutes les capitales régionales. Et le français est la langue officielle du Mali.
Et pourquoi la capitale Bamako est-elle la cité des trois caïmans ?
Bamako qui signifie « marigot du crocodile » en bambara est symbolisé par trois crocodiles. Selon l’histoire, les trois crocodiles dont les effigies représentent la ville de Bamako trouvent leur origine à partir des trois marigots qui traversaient Bamako.
Qu’est-ce qu’est pour vous la Francophonie ?
Cet extrait d’une « lettre ouverte à la jeunesse » de Léopold Sédar Senghor, l’un des pères fondateurs de la Francophonie, que nous rappelle M. Abdou Diouf dans son recueil de discours et interventions « PASSION FRANCOPHONE » est selon moi la meilleure définition de la Francophonie.: « le but ultime de la Francophonie est de créer une civilisation de symbiose, où chaque continent, chaque race, chaque nation apportera ses valeurs originaires de civilisation, irremplaçables… »
M. Abdou Diouf lorsqu’il était Secrétaire général de la Francophonie a visité mon village, quand j’étais petite. Dans notre village on fête toujours la Francophonie, on organise des concours d’écriture et de rédaction en français et les meilleurs participants sont reconnus publiquement, reçoivent des cadeuux.
Pourquoi avez-vous choisi la Bulgarie en tant que volontaire ?
La Bulgarie a été plutôt ma chance, car j’ai postulé et été sélectionnée pour le Vietnam, mais pour des raisons administratives – je n’ai pas obtenu de visa – je suis venue en Bulgarie.
Quelles sont vos impressions de notre pays ?
Sofia est une très belle ville. Je compte visiter d’autres villes en été. Il y un fait curieux : dans les années 70 mon grand-père avait visité la Bulgarie avec une troupe de danses traditionnelles maliennes lors de sa tournée en Europe. Votre capitale est vraiment magnifique! J’y ai trouvé des gens qui m’ont très chaleureusement accueillie dans leur club Toastmasters Business Park. Mais on y parle entre nous en anglais.
Vous parlez anglais aussi ?
Je parle anglais et je me suis battu pour cela. J’aime être courageuse et ambitieuse. Après mes études au Mali, j’ai vu que l’anglais joue aussi un rôle important dans le cadre de l’insertion professionnelle et j’ai décidé d’aller au Gana pour apprendre l’anglais. On me disait: « Comment ? Une femme toute seule dans un pays étranger – tu ne vas pas tenir ! » J’ai répondu : « Laissez-moi vous le prouver ! » Je suis partie pour trois mois et j’y suis restée un an et quatre mois. J’ai compris que le français n’est pas apprecié seulement dans les pays francophones. Au Gana il est aussi très important. La Francophonie y est célébrée partout lors de la Journée internationale, le 20 mars. C’est une fête qui unie des gens de différentes nationalités et de différentes religions. Au Gana la population est majoritairement chrétienne, mais ce jour-là tous les francophones se rassemblent, on organise des compétitions, on danse, on chante, on récite des poèmes. J’y ai trouvé une Francophonie en floraison comme au Mali.
Vous êtes allée au Gana pour apprendre l’anglais et vous y avez retrouvé la Francophonie !
Oui et cela m’a surprise.
A la fin de notre entretien en sornat de l’édifice du CREFECO nous avons croisé une des francophones bulgares les plus connues, Mme Anna Krasteva, professeur à la Nouvelle université bulgare, présidente du Conseil d’administration de l’ESFAM. Еlle a immédiatement invité la volontaire de la Francophonie à contacter les étudiants de la Filière francophone de sciences politiques à la Nouvelle université bulgare.
Les rencontres francophones de la jeune Malienne se poursuivront en Bulgarie!
Propos recueillis par Gergina Dvoretzka
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