Emmanuel Samson : La Francophonie implique le numérique

Публикувано:
11:20ч / 02.02.2021г
Брой прочитания:
648
Брой коментари:
0

Emmanuel SAMSON est Directeur adjoint du Bureau de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) pour les pays d’Europe centrale et orientale (BRECO) et Responsable du Centre régional francophone pour l’Europe centrale et orientale (CREFECO) de l’OIF dont le siège se trouve à Sofia. 

L’équipe de notre site se réjouit qu’il ait accepté de répondre à nos questions pour notre rubrique Francophonie.

Monsieur Samson, comme je voudrais vous présenter aux lecteurs de notre site, je vous demanderais de décrire brièvement votre parcours professionnel jusqu’à présent.

Je travaille au service de l’enseignement et de la diffusion de la langue française depuis plus de vingt ans maintenant, d’abord en tant que lecteur de français auprès d’universités étrangères puis au sein d’Alliances ou Instituts français dans diverses régions du monde et désormais pour l’Organisation internationale de la Francophonie. Si j’ai eu l’opportunité d’effectuer des missions en Afrique de Nord ou en Asie, j’ai passé de nombreuses années dans cette partie de l’Europe, qui m’est chère, à Chisinau, à Bucarest et depuis 2019 à Sofia, où j’exerce une mission régionale.

J’ai appris qu’avant de venir à Sofia, vous travailliez en Inde. Le pays n’est pas membre, ni même observateur de l‘OIF. Quel est l’état de la francophonie là-bas ?

Il n’est pas facile pour une langue étrangère, quelle qu’elle soit, de se faire une place dans le grand concert des langues indiennes. Nombreux sont les Indiens qui, en plus de leur langue maternelle et de l’anglais, parlent une voire plusieurs autres langues proches ou non de leur aire linguistique, facilitant ainsi la communication et la mobilité au sein du sous-continent. Aujourd’hui, dans une Inde résolument tournée vers l’extérieur, les langues étrangères sont de plus en plus sollicitées et le français occupe la première place parmi les langues enseignées à l’école et à l’université. S’il y a encore une vingtaine d’années le français était réservé à une certaine élite culturelle indienne, il est de plus en plus accessible dans les grands centres urbains à une classe moyenne grandissante et attirée par la mobilité internationale. Compte tenu de l’évolution démographique et sociale de l’Inde, la marge de progression de l’apprentissage du français y est considérable.

Il existe également une francophonie résiduelle en Inde, principalement dans l’ancien comptoir français de Pondichéry. Longtemps un territoire enclavé, cette petite ville indienne attire aujourd’hui des touristes venus des quatre coins du pays pour y passer un week-end « à la française ».

En 1954, Jawaharlal Nehru avait déclaré son souhait que Pondichéry reste une fenêtre ouverte sur la culture française. En 2019, j’ai eu le plaisir de participer à la création du Festival des Francophonies de Pondichéry, un espace de rencontre entre le monde indien et la diversité des expressions culturelles francophones.

Quelle sont les activités du CREFECO,  et en particulier celles impliquant le numérique depuis le début de cette crise sanitaire ?

Le Centre régional francophone en Europe centrale et orientale (CREFECO) est un dispositif de l’Organisation internationale de la Francophonie dont la mission principale est d’accompagner les systèmes éducatifs des Etats membres pour un enseignement de qualité du et en français.

Ainsi, nous avons pour objectifs de proposer ou favoriser des initiatives visant à renforcer la place de la langue française dans les systèmes éducatifs ; de renforcer les capacités des professeurs de et en français, en particulier des enseignants débutants et/ou des enseignants en formation initiale et ceux bénéficiant d’une faible exposition à la formation continue ; et de développer les compétences linguistiques et langagières et la notion de vivre ensemble des apprenants de et en français par le biais d’événements régionaux ou internationaux dédiées à la jeunesse et par les moyens numériques.

Depuis le début de la crise sanitaire, qui a totalement bouleversé le monde de l’éducation, nous avons eu le sentiment que nos activités étaient plus utiles que jamais. Devant l’urgence de la situation, qui a poussé les enseignants à enseigner à distance, nous avons assisté avec nos partenaires à une forte mobilisation autour de nos actions. Non seulement les enseignants viennent chercher des solutions pour s’adapter à des méthodologies et à des approches pédagogiques qu’ils doivent maintenant pouvoir maîtriser pour assurer la continuité pédagogique avec leurs élèves mais aussi pour se retrouver, partager entre pairs dans un fort esprit de solidarité. Entre mars et décembre, une communauté d’apprentissage de près de 2500 enseignantes et enseignants d’Albanie, Arménie, Bulgarie, Macédoine du Nord, Moldavie et Roumanie, s’est mobilisée autour d’ateliers, webinaires, animations et concours.

Notre objectif aujourd’hui est d’amener les enseignants à capitaliser les acquis collectifs de la crise pour maintenir un enseignement innovant et attractif. Le numérique est parfois vécu comme une contrainte, et cela peut l’être réellement lorsqu’il n’est pas utilisé à bon escient. Mais de nombreux professeurs ont compris aujourd’hui que le numérique permettait aussi de créer un lien enseignant-apprenant et un lien entre l’élève et la langue qu’il apprend, liens qui dans le contexte d’une salle de classe n’existait pas forcément de la sorte.

Par exemple, pour clôturer une année 2020 très spéciale, nous avons organisé avant Noël, une « semaine francophone de la pop ». Un artiste français, Charles-Baptiste, a accompagné des classes de français de différents pays de la région, dont des élèves des Lycées Alphonse de Lamartine et Alexandre Pouchkine à Sofia, pour créer leur chanson pop en français, que les lycéens ont pu écouter et interpréter ensemble avant un concert interactif du chanteur depuis un club parisien. Tout cela ne nous serait pas venu à l’idée sans avoir appréhender toutes les opportunités qu’offrent le numérique.

J’ai l’impression que vous manifestez un vif intérêt pour toutes les activités francophones en Bulgarie et que vous vous y impliquez souvent personnellement. Quels projets francophones dans notre pays vous ont le plus marqué jusqu’à présent ?

Entre ma prise de poste en septembre 2019 et le début de la pandémie, le temps fut malheureusement assez court pour profiter pleinement de toutes les activités francophones en Bulgarie et des activités culturelles en général ! Mais je retiens en particulier l’édition 2019 du Festival littéraire international de Sofia qui avait mis la francophonie à l’honneur sous le titre « Révolution sur les cinq continents ».  Une dizaine d’auteurs de diverses espaces francophones étaient réunis à Sofia pour exprimer avec leurs collègues bulgares leur rapport à la langue française. Cela a donné lieu à des échanges extrêmement riches et variés sur les questions d’identités.

Êtes-vous optimiste quant à l’avenir de la langue française et de la Francophonie dans le monde globalisé ?

L’enseignement du français se porte bien et nous avons toutes les raisons d’être optimistes quant à son développement. Nous parlions plus haut de l’Inde, d’autres pays d’Asie accordent depuis quelques années une part de plus en plus importante à l’enseignement du français, notamment dans une dynamique d’échanges économiques accrus avec l’Afrique francophone. La Corée du Sud a par exemple adhéré à l’OIF en tant que membre observateur et la francophonie s’y développe significativement.

De l’autre côté du globe, aux Etats-Unis, l’enseignement bilingue francophone connaît un succès exceptionnel, si bien qu’à New York une école publique sur dix propose un enseignement bilingue.

En Europe, le français reste la deuxième langue la plus enseignée dans les systèmes éducatifs. Au sein de l’Union européenne, il est encore difficile de mesurer l’impact du Brexit sur l’utilisation des langues mais de nombreux commentateurs s’accordent sur la nécessité de renforcer le plurilinguisme. Et à ce titre, l’OIF joue un rôle important auprès des Etats membres pour renforcer les compétences langagières en français des diplomates et fonctionnaires nationaux.

De plus, l’employabilité des francophones est de plus en plus importante en Europe. Les candidats multilingues sont de plus en plus recherchés sur le marché de l’emploi. Au sein d’un monde globalisé, être monolingue est devenu un handicap professionnel, culturel et social. Maîtriser une seule langue étrangère, la plupart du temps l’anglais, est devenu une norme, en maîtriser une deuxième, et pourquoi pas une troisième, permet de faire la différence.

Propos recueillis par Gergina Dvoretzka

Le texte en bulgare

Източник: www.evropaworld.eu